
Intelligence artificielle et communication scientifique : une révolution en marche
L’intelligence artificielle (IA) transforme de nombreux domaines et la communication scientifique n’y échappe pas. Publier plus vite, mieux communiquer, diffuser plus largement ses recherches, optimiser sa veille scientifique font partie des nombreuses opportunités qu’offre l’IA aux scientifiques. Cependant, l’utilisation de l’IA et en particulier des IA génératives n’est pas sans risque. À l’heure où les « hallucinations » des IA restent fréquentes et où les images générées semblent réalistes tout en comportant des erreurs significatives, comment garder le cap de la fiabilité ? Faisons le point sur ces outils qui façonneront la diffusion des savoirs scientifiques de demain.
Utilisation actuelle de l’IA dans la communication scientifique
Bien que de nombreux spécialistes restent prudents quant à l’utilisation de l’IA en communication scientifique, plusieurs exemples réussis montrent déjà son potentiel. Ainsi, le communicant scientifique Duncan Yellowlees, atteint de dyslexie, s’appuie sur Otter.ai pour convertir ses paroles en texte avant d’utiliser ChatGPT pour structurer ses idées en articles de blog. Il explique : « J’ai du mal à écrire de longs textes, donc les outils d’IA me facilitent cette tâche. Ce sont mes idées, mais sans que j’aie à les écrire moi-même. »
Un autre exemple est celui du professeur David Markowitz de Michigan State University : son étude a montré que les résumés d’articles scientifiques générés par IA étaient plus accessibles que ceux rédigés par les chercheurs eux-mêmes. Les participants à l’expérience comprenaient mieux les textes les plus simples, ce qui développait leur confiance envers les scientifiques.
À l’heure actuelle, les chercheurs ayant adopté l’IA, l’utilisent pour accomplir différents types de tâches : rédiger des articles et des résumés (ChatGPT), faire des synthèses de publications scientifiques (Perplexity, Semantic Scholar), générer des images (Midjourney, DALL·E), ou encore traduire des articles (ChatGPT). Parmi les applications plus avancées, on peut citer la traduction de conférences vidéo en synchronisant le doublage (HeyGen). Cet outil puissant renforce la collaboration internationale entre chercheurs.
Limites et risques liés à l’utilisation de l’IA en science
Malgré son potentiel, l’IA présente également des limites et des risques. Elle ne possède pas de compréhension humaine du contexte, mais prédit le mot suivant le plus probable. Ce fonctionnement peut entraîner des erreurs, notamment des « hallucinations », c’est-à-dire des réponses apparemment convaincantes mais erronées et non fondées sur des données réelles. Selon des études menées en 2024, le taux d’hallucinations dans les résumés de ChatGPT-4o atteindrait près de 40 %, soit beaucoup mieux que ses concurrents, qui culminent aux alentours de 70%.
Les images générées par l’IA, grâce à des outils comme Midjourney ou DALL·E, sont de plus en plus utilisées en communication scientifique. Cependant, leur manque de fiabilité reste un problème majeur. Elles peuvent contenir des éléments physiquement impossibles et induire en erreur tout en conservant une apparence crédible. Par exemple, une structure ADN générée par DALL·E peut sembler visuellement impressionnante mais comporter de graves erreurs structurelles, ou une cellule procaryote peut être représentée avec un noyau, alors qu’elle n’en possède pas en réalité. Autre exemple : les yeux d’un requin marteau, dans une image générée par MidJourney, peuvent être mal placés. En réalité, ils se situent aux extrémités de son céphalofoil, sa tête en forme de marteau et non au-dessus de sa gueule.

Un autre enjeu concerne les droits d’auteur. Dans la plupart des pays, y compris la France pour l’instant, les œuvres créées par une IA générative sans intervention humaine significative ne sont pas protégées par le droit d’auteur et appartiennent au domaine public. Si cela n’a pas d’impact significatif sur les supports comme les diapositives et les affiches, l’absence de protection par le droit d’auteur peut devenir un problème majeur pour les revues scientifiques et les ouvrages, où cette protection est essentielle.
L’IA peut-elle réellement améliorer la communication scientifique ?
L’IA accélère considérablement l’édition des articles scientifiques et de vulgarisation. Des modèles comme ChatGPT ou Claude 3.7 Sonnet permettent d’améliorer la grammaire et le style, de générer des résumés et d’adapter les contenus à différents publics. Ils aident à repérer les incohérences et à rédiger des annotations. Cependant, l’IA ne saisit pas toujours le contexte, ce qui peut conduire à un excès de simplification et à une perte de profondeur dans le raisonnement scientifique. Une automatisation excessive risque également d’appauvrir l’originalité des textes et de réduire l’esprit critique des éditeurs.
Des outils comme Perplexity et Semantic Scholar accélèrent la recherche d’informations en analysant de vastes ensembles de données. Ils identifient des articles pertinents et produisent des résumés concis. Toutefois, leurs algorithmes peuvent négliger des nuances importantes ou fournir des données obsolètes ou inexactes. Une étude de mars 2025 rapporte que 37% des citations de Perplexity sont erronées, alors qu’il s’agit d’un des meilleurs outils pour ce type de tâches. Une vérification des données générées est donc indispensable.
L’utilisation croissante de l’IA dans le domaine scientifique va entraîner une augmentation du volume de publications et de recherches. Or, quantité et qualité ne vont pas toujours de pair. La multiplication des articles pourrait favoriser la diffusion d’informations peu fiables, compliquer la détection des données biaisées et exiger une surveillance accrue des contenus entièrement générés par IA. À ce jour, des réglementations imposent de signaler l’utilisation de l’IA dans les recherches, mais leur application dépend de l’intégrité des auteurs. Pour relever ces défis, de nouveaux outils d’IA sont développés pour détecter les données erronées et analyser les contenus générés automatiquement.
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L’IA et la communication scientifique dans un avenir proche
Nous l’avons vu, l’IA transforme la manière dont les connaissances scientifiques sont présentées. Dans les années à venir, elle devrait être de plus en plus utilisée pour développer des plateformes interactives facilitant l’adaptation des contenus scientifiques à différents publics.
L’IA impacte également la science elle-même. Les experts prédisent qu’à l’horizon 2030, l’IA deviendra un élément incontournable de la recherche scientifique et de sa diffusion. Selon les prévisions de McKinsey, tous métiers confondus, les salariés pensent que l’IA pourrait les aider à accomplir jusqu’à 30 % de leurs tâches d’ici un an. Les métiers scientifiques sont également impactés.
Dario Amodei, fondateur d’Anthropic, considère la science, en particulier la biologie, comme un domaine clé pour l’application de l’IA. Il estime qu’à l’avenir, l’IA ne se contentera pas d’analyser les données, mais deviendra un « biologiste virtuel » capable d’accomplir les tâches répétitives des chercheurs.
Plus de 40 chercheurs, dont des scientifiques de l’EPFL en Suisse, travaillent à la conception d’une cellule virtuelle pilotée par IA, un réseau neuronal avancé capable de modéliser le comportement des molécules, cellules et tissus dans divers états. Ce système pourrait simuler des fonctions biologiques, prédire les réactions de l’organisme et même contribuer à la conception de nouveaux traitements.
Une autre variable à prendre en compte concerne la rapidité avec laquelle progressent les outils d’IA générative. Une évolution conséquente est justement en marche ! A la fin de l’année 2024, Meta a dévoilé les LCM (Language-Concept Models), une nouvelle génération de modèles linguistiques fonctionnant au niveau des concepts plutôt qu’au niveau des mots individuels. Contrairement aux LLM, tels que ChatGPT, qui génèrent du texte en se basant sur la probabilité du mot suivant, les LCM manipulent des unités plus complexes – des phrases entières et des idées abstraites. Cela leur permet de mieux saisir le sens de l’information et de traiter plus efficacement les textes longs. Pour l’instant, ces modèles ne sont pas accessibles au grand public, mais leur adoption n’est qu’une question de temps. Ces technologies rendront la communication scientifique plus accessible, personnalisée et efficace.
L’IA, allié de la communication scientifique et technique
L’intelligence artificielle transforme déjà la communication scientifique. Elle automatise les tâches routinières, accélère la recherche d’informations et facilite la rédaction. Cependant, malgré ses avancées, elle doit être utilisée avec discernement pour garantir la fiabilité et la pertinence des contenus produits.
Les experts estiment que son intégration dans la communication scientifique ne fera que s’intensifier, mais que l’évaluation critique restera essentielle. Il est crucial de maintenir un équilibre entre l’automatisation et l’implication humaine, car l’IA ne peut remplacer l’intuition, la créativité et la compréhension approfondie du contexte. Avec un contrôle rigoureux et une prise en compte de ses limites, l’IA peut devenir un allié incontournable, permettant aux communicants scientifiques d’économiser un temps précieux tout en garantissant un contenu de qualité.