Pitch : 3 minutes pour convaincre
Trois minutes. C’est le temps dont vous disposez pour présenter votre projet et délivrer un message qui marquera votre audience. Que ce soit pour un concours d’innovation, une présentation devant des investisseurs ou un comité de sélection, l’exercice du pitch est devenu incontournable dans le monde scientifique et technologique. Comment s’y préparer ? Comment synthétiser la complexité de vos travaux sans les dénaturer ? Quelles techniques utiliser pour marquer les esprits ? Dans cet article, nous avons recueilli les témoignages de chercheurs et d’innovateurs qui ont relevé ce défi avec succès, afin de vous dévoiler de précieux conseils pour maitriser l’art du pitch.
Consacrez du temps à préparer votre pitch
Un pitch de 3 minutes demande paradoxalement plus de préparation qu’une présentation de 30 minutes. Dans un pitch court, chaque mot compte, chaque seconde a son importance. Cette temporalité particulière nécessite un travail d’orfèvre où l’on taille, polit et affine son message jusqu’à obtenir la formule parfaite.
Pierre-Yves Thro (CEA): J’ai passé plus de temps à préparer mon pitch qu’une présentation classique de 20 minutes, par exemple. Cela nécessite un travail préliminaire important.
Yonnel Giovanelli (SNCF) : En plus de la formation pitch avec Agent Majeur, j’ai travaillé 2 jours et demi pour finaliser ma présentation et trouver des illustrations. J’ai dû faire environ 8 versions de mon pitch avant de le valider.
Sylvie Lebrun (Institut d’Optique) : 3 minutes c’est frustrant pour un scientifique, car on a envie d’expliquer les principes physiques, de rentrer dans les détails. Cela demande de prendre beaucoup de recul par rapport à ce que l’on fait.
Ludovic Christophe (Bouygues Bâtiment) : Mon équipe et moi avions préparé une présentation et un discours assez techniques. Après la formation d’Agent majeur, nous avons identifié les thématiques du projet, l’attente des futurs utilisateurs et les messages que nous voulions transmettre.
Christine Wai (The Chinese University of Hong Kong) : J’ai fait en sorte d’avoir un message clair, simple et facile à retenir lors de la préparation du pitch. Et puis, j’ai privilégié les phrases courtes.
Nos conseils pour préparer votre pitch :
- Identifiez d’abord vos messages clés
- Pensez à votre audience et à ses attentes en préparant votre discours
- Misez sur la clarté et la concision
Synthétisez vos propos sans en perdre l’essence
Véritable défi pour tout scientifique ou chef d’entreprise, le pitch nécessite de faire des choix radicaux dans le contenu. Un seul mot d’ordre : simplifier !
CW : J’ai sélectionné quatre ou cinq éléments clés que je devais inclure dans le pitch. Ensuite, j’ai essayé de les connecter à travers une histoire.
YG : C’est un exercice compliqué car il faut axer cette synthèse en fonction des critères d’évaluation du concours. Ne pas rentrer dans un langage trop technique car le public n’est pas forcément spécialiste. Je conseille de mettre en avant les gains potentiels.
LC : Pour épurer le discours, nous avons travaillé sur des phrases du type : « ce qu’il faut retenir, c’est… ». Cela permet au public de ne mémoriser que l’essentiel.
SL : Il faut que les gens se sentent plus intelligents après ce pitch de 3 minutes. Concrètement, cela veut dire placer un ou deux mots pas ordinaires et les expliquer. Dans mon discours, j’ai parlé de fluorophores. Je pensais initialement que c’était un terme évident, connu de tous. Or, ce n’était pas du tout le cas.
Jérémy Fain (Blue Water Intelligence) : C’est une question d’équilibre : ne pas jargonner et ne pas non plus être trop simplificateur, car dans la salle se trouvait un public averti. Simplifier sans être simpliste.
Nos conseils pour simplifier votre discours :
- Concentrez-vous sur les gains potentiels de votre solution plutôt que sur les détails techniques
- Structurez votre pitch autour des points essentiels
- Utilisez des phrases de synthèse du type : « ce qu’il faut retenir, c’est… » pour ancrer les messages clés
Accrochez votre audience dès les premières secondes
Les quinze premières secondes de votre pitch déterminent souvent le succès de l’ensemble de votre présentation. Dans un contexte où votre audience a probablement déjà entendu des dizaines d’autres présentations avant la vôtre, l’enjeu est de taille. Pour sortir du lot, surprendre votre auditoire avec une accroche bien ciblée peut faire la différence.
JF : Durant le Prix, nous étions 12 à présenter notre pitch. Il fallait trouver un moyen d’être original.
LC : La première phrase d’accroche est essentielle pour capter l’attention du public et le projeter au cœur du sujet. L’auditoire peut ainsi saisir la problématique et comprendre les difficultés associées.
YG : Pour impliquer le public, j’ai utilisé l’humour en posant des questions qui ont attiré l’attention et suscité sa curiosité. Assis sur mon exosquelette, je leur ai demandé si je ressemblais à Robocop…
Exemples de techniques d’accroche efficaces :
- Posez des questions pour impliquer immédiatement votre auditoire
- Utilisez l’humour avec parcimonie, ou même l’autodérision
- Reliez votre innovation à des sujets d’actualité pour créer un lien immédiat avec chaque personne de l’audience
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Maîtrisez la communication non-verbale
Le langage non-verbal est souvent négligé, pourtant il peut transformer votre pitch. Car, oui, votre présence physique compte autant que vos mots. Votre posture, votre regard, vos gestes, vos silences : votre communication non-verbale constitue un langage en soi qui vient amplifier – ou au contraire affaiblir – votre message.
LC : Je conseille d’observer l’ensemble du public avant de commencer à parler, afin d’établir un contact visuel. La phrase d’accroche et la posture des premières minutes conditionnent la suite : il vaut mieux se préparer mentalement avant d’entrer sur scène. Pendant la présentation, il ne faut pas hésiter à prendre de la place en se déplaçant et surtout, à prendre son temps.
YG : Effectivement, il est préférable de regarder tout l’auditoire et pas seulement un coin de la salle. Pour ma part, j’étais assis sur un exosquelette : il valait mieux ne pas bouger ! Les silences d’une seconde permettent d’appuyer une idée… Pour éviter d’être trop stressé, je conseille de s’entraîner plusieurs fois devant différents types de personnes avant le jour J.
Nos conseils :
- Établissez un contact visuel avec l’ensemble de votre audience
- Utilisez l’espace à votre disposition pour dynamiser votre pitch
- Employez des silences stratégiques pour souligner vos points essentiels
Créez une connexion avec le public
Créer une connexion émotionnelle avec vos interlocuteurs fait souvent la différence entre un discours qui sera vite oublié et un pitch mémorable. Pour renforcer cette connexion, vous pouvez miser sur l’interactivité. En transformant un monologue en dialogue avec vos interlocuteurs, chaque personne de votre audience se sentira directement concernée par votre projet, transformant votre pitch en expérience partagée.
RL : La clef, c’est de se mettre dans la peau des personnes dans l’auditoire. Je me suis posé les questions suivantes : qu’est-ce qu’une personne dans le public peut entendre ? Et quels sont les messages clés qui peuvent faire « tilt » dans sa tête ?
SL : Il faut par exemple mettre en avant les enjeux de société. Nos sources laser ont de nombreuses applications possibles. Pour le Prix, j’ai choisi de mettre en avant une application en particulier, celle relative au cancer. Le public s’est senti concerné, c’est un sujet auquel il est sensible.
JF : Pour ma part, je travaille sur des solutions qui ne sont pas destinées au grand public. Dans ce cas, il est intéressant de débuter la présentation par un exemple d’application de la solution qui soit proche des préoccupations de chacun. Et ensuite, dérouler cet exemple pendant une bonne partie de la présentation.
Stratégies pour toucher émotionnellement vos interlocuteurs :
- Identifiez les enjeux sociétaux auxquels répond votre projet
- Commencez par un exemple d’application qui intéresse chaque personne de votre audience
- Regarder le public, le prendre à parti, l’apostropher, lui poser des questions… sont autant de moyens d’établir une relation particulière avec l’auditoire
Renforcez votre crédibilité avec des preuves tangibles
Face à des interlocuteurs expérimentés et dans un environnement concurrentiel, la crédibilité de votre projet ou de votre entreprise se construit avec des éléments concrets. Fournir des preuves est essentiel et doit s’intégrer naturellement dans votre discours sans alourdir votre message.
JF : Donner des chiffres, des preuves, des éléments concrets est un gage de crédibilité. Dans la masse des projets, certains étaient naissants. En citant quelques clients, un grand partenaire, des éléments tangibles, on plaçait notre projet comme celui d’une entreprise déjà installée. Cela aide à sortir du lot.
Exemples d’éléments de preuve à intégrer dans votre pitch :
- Chiffres de performance ou d’adoption de votre solution
- Exemples de clients ou partenaires reconnus
- Étapes de développement déjà franchies par votre projet
- Retours d’expérience concrets sur votre solution
Le pitch de 3 minutes n’est pas qu’un exercice de style : c’est une compétence essentielle qui révèle votre capacité à prendre du recul sur vos travaux, à identifier leur valeur ajoutée et à créer du lien avec vos interlocuteurs. Cette expérience vous prépare à convaincre dans toutes les situations. Prêt à relever le défi ? Allez plus loin en visionnant des exemples de pitch pour comprendre ce qui les rend efficaces.
Merci à toutes les personnes interrogées pour leurs témoignages.
