Vulgarisation scientifique
et médias

Jacques-Marie Bardintzeff est un volcanologue renommé. Très sollicité par les media, il est l’expert à interviewer dans son domaine. Chercheur, professeur à l’Université Paris-Sud et à l’Université de Cergy-Pontoise, il est également l’auteur ou co-auteur de plus de 350 publications et communications scientifiques.

Agent Majeur : Vous avez écrit de nombreux ouvrages à destination du grand public, comment cela a-t-il débuté ?

J-M. Bardintzeff : Depuis toujours, j’avais envie d’écrire un livre. En tant qu’universitaire, j’ai d’abord souhaité faire mes preuves scientifiques. A l’âge de 34 ans, avec mes deux thèses en poche et des articles scientifiques à mon actif, le hasard faisant bien les choses, j’ai eu une opportunité. Quand on fait un livre, on est interviewé. Quand on est interviewé, des éditeurs nous demandent de faire des livres. Il y a un phénomène d’auto entretien qui n’a fait qu’augmenter depuis 20 ans.

Après ce premier livre, j’ai été sollicité. Par exemple, lorsque des collections se lançaient sur plusieurs thèmes : les dinosaures, les gaulois, les volcans… je m’intégrais dans cette collection. Et cet ouvrage apportait de nouvelles opportunités.

Mon rythme de production est d’environ 2 livres tous les 3 ans. Il y en a toujours un sur le feu, un qui se termine, un qu’on essaye de promouvoir. C’est une suite continue avec, en alternance, des livres grand public (adultes / ado / jeune public) et des ouvrages scientifiques. En plus des livres, j’anime en moyenne 25 conférences par an. Je ne peux pas produire plus car ça vient se rajouter à mon travail de chercheur.

Dans votre carrière, quel rôle a joué la communication ?

Sur l’avancement en lui-même, aucun. Mais la communication m’a fait connaître, c’est sûr. Je suis dans le fichier de différents journalistes, j’ai de bons contacts avec eux, certains sont presque devenus des amis. Pour moi, c’est important de communiquer. En tant que fonctionnaire, payé par l’Etat, donc par la société, il me semble sain que la société ait un retour sur le travail effectué. Et puis, en tant qu’homme, si j’arrêtais de communiquer, je serais malheureux. Ce ne serait plus moi.

Mais je ne veux pas que la communication vampirise tout le reste. Je suis un scientifique et je tiens à le rester. Je prépare des cours, des articles en anglais de très haut niveau qui paraissent dans des revues spécialisées, je m’occupe de la préparation au Capes… je ne veux pas que l’un remplace l’autre, il faut trouver un équilibre.

A votre avis, pourquoi les journalistes vous choisissent-ils souvent pour leurs interviews ?

Parce que je suis prêt à collaborer, à prendre du temps, éventuellement à me déplacer. Je n’ai jamais dit non : conférences, articles de journaux, interviews radio ou télé… Souvent, c’est le jour pour le lendemain, notamment pour un phénomène brusque, comme, par exemple, une éruption volcanique.

Quand on me demande d’être sur le plateau, les emplois du temps sont modifiés, la vie de famille est impactée. Là, pendant 24, 48 ou 72h, je suis beaucoup sollicité puis ça retombe. Pour moi, c’est valorisant d’être interviewé, et comme je joue le jeu, tout le monde s’y retrouve. C’est un échange de bons procédés.

Votre disponibilité ne peut pas suffire… Il y a aussi votre façon de communiquer.

Effectivement, je peux expliquer des phénomènes vite et bien. Pour cela, je parle comme à quelqu’un que j’aime bien, que je considère intelligent mais pas spécialiste. En général, pour un journal TV, l’équipe est très pressée. Il faut « mettre en boîte » pour l’édition de 13h ou de 20h. On se donne rendez-vous, on fait une prise qui dure 3 à 4 minutes, sur laquelle ne seront retenues que quelques dizaines de secondes. Et, souvent, une prise suffit, on n’a pas à la refaire.

Que conseillez-vous pour expliquer simplement des phénomènes compliqués ?

Comme je vous l’ai dit, je forme de futurs enseignants. Je m’occupe de la préparation au Capes et à l’agrégation. Je suis également membre des jurys de ces concours.

Pour qu’ils apprennent à s’exprimer, j’explique à mes étudiants qu’il faut partir du plus simple pour aller vers le plus compliqué. Par exemple, qu’est-ce qu’un basalte ? Ils vont avoir tendance à débuter avec le plus compliqué : « c’est une roche qui contient tant de pourcents de magnésium ». Oui, c’est important mais pour le grand public, ça ne signifie rien. Je leur suggère de commencer par le plus simple : « c’est une roche volcanique noire ». Imaginez que vous vous adressez à des élèves de petite classe, puis après, à des élèves de lycée, puis après, à des étudiants de haut niveau. Il faut partir de la base sinon, vous perdez votre public dès le début.

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2023-10-20T11:16:24+02:00

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