Humour et science,
mode d’emploi

Auditoire qui rit est à moitié conquis… car l’humour éveille l’intérêt du public et crée une connivence. Encore faut-il savoir le manier ! Si, comme nous, vous êtes scientifique et cartésien, voici deux bonnes nouvelles. L’humour s’adresse à l’intellect. Et il s’appuie sur des techniques que nous avons décortiquées pour vous. Dans cet article, retrouvez un tour d’horizon de ressorts qui font rire… sans vous faire perdre en crédibilité !

Humour et science

L’humour bien dosé, ou comment stimuler son public

Selon André Comte-Sponville, « tout sérieux est coupable ! ». D’ailleurs, Tom Antion, conférencier américain spécialiste de l’humour, qualifie un orateur ennuyeux de « ZZZZ presenter ». Sans tomber dans le discours soporifique, un scientifique n’est pas pour autant un show-man… Alors comment trouver le juste équilibre ?

Parmi les vecteurs usuels du rire, certains sont à bannir dans un milieu professionnel. C’est par exemple le cas du comique de situation (quiproquo), du comique de mouvement (chutes) et du comique de caractères (exagération d’un défaut). Monter sur scène en simulant un boitement, interpeller votre directeur en écorchant son nom, ou débuter votre discours en bégayant risquerait davantage de mettre votre public mal à l’aise que de le faire rire.

Pour autant, le pouvoir du rire est tellement puissant qu’il serait dommage de s’en priver. Voici comment faire preuve de légèreté sans se tromper.

La connaissance de son audience, ou comment adapter ses blagues

Connaître son public est l’une des conditions de la réussite de vos blagues. Parlez-vous à des scientifiques ? A du grand public? Ou bien, s’agit-il d’un auditoire diversifié ? En fonction de leur âge ou de leur milieu professionnel, ils ne riront pas des mêmes choses.

Par exemple, si vous faites une plaisanterie sur les câbles électriques à des internes en médecine, ces derniers risquent de ne pas trouver ça drôle. A l’inverse, les blagues que l’on fait dans le milieu médical à propos de la mort risquent de choquer plus d’une personne ne gravitant pas dans ce secteur. Pour résumer, ce qui fait rire un médecin ne fera pas pour autant rire un ingénieur. Dans le même ordre d’idée, certaines notes d’humour font davantage mouche avec un public féminin plutôt que masculin, comme dans ce sketch de Florence Foresti : « Les garçons, quand c’est malade, ça croit que ça va mourir ! » Il est donc important d’adapter vos traits d’esprit à votre public.

Les blagues concises, ou comment ne pas ennuyer son public

Comme le dit le célèbre dicton : « Les blagues les plus courtes sont les meilleures ». Vous avez sans doute déjà assisté au récit d’une blague incompréhensible et sans fin (vous ne nous en voudrez sûrement pas de ne pas vous donner d’exemple !). Résultat, personne ne comprend et personne ne rit. Ne vous aventurez donc pas sur ce terrain glissant. Misez sur des blagues courtes.

Pour être sûr de ne pas vous perdre dans vote récit, focalisez-vous sur la chute. N’oubliez pas que l’humour est là pour assaisonner votre intervention. Il permet de capter l’attention de votre public, appuyer certains éléments de votre discours. Aussi, assurez-vous que votre blague tienne en 2 ou 3 phrases, plutôt que de vous lancer dans un récit de 10 minutes. Si vous avez un doute, n’hésitez pas à tester vos effets sur des cobayes. Mais évitez de solliciter l’avis d’amis dotés d’un sens de l’humour moisi…pour reprendre les mots qu’emploient les ados.

L’humour décalé, ou comment se jouer des conventions

Gardez bien à l’esprit que l’humour dépend d’un environnement social et culturel. Le philosophe Emmanuel Kant défend la thèse selon laquelle « l’humour naît quand l’esprit perçoit un fait anormal, inattendu ou bizarre, en un mot incongru, qui rompt avec l’ordre normal des choses ». Et pour exploiter tout le potentiel de l’Homo ridens, rien ne vaut un peu d’humour décalé. Le décalage est un ressort puissant aux multiples facettes.

Dans cette catégorie, nous retrouvons l’humour absurde et le paradoxe qui défient la logique ou détournent le sens des mots. Ces procédés jouent sur le décalage entre les attentes du public et le contenu du discours. Lorsque la situation s’y prête, parler de « permanence provisoire », ou « d’immobile changement » …bref, surprendre, cela fonctionne !

De nombreuses citations manipulant le décalage peuvent être reprises dans vos discours. Un directeur de recherche pourrait dire, à l’instar d’Oscar Wilde: « Mes goûts sont simples, je me contente du meilleur ». Ou bien, un météorologiste pourrait citer Pierre Dac : « La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l’avenir. »

L’autodérision, ou comment rire de soi

L’autodérision est un procédé comique qui présente l’avantage de ne blesser personne d’autre que vous ! Malgré tout, il est bon de ne pas tomber dans l’autodénigrement, au risque de mettre à mal votre image professionnelle. Si l’on relit Desproges, il y a de quoi faire, notamment lorsqu’il évoque sa maladie : « Plus cancéreux que moi, tumeur ! ».

Aussi, à l’issue d’une formation Agent Majeur, vous pourrez dire : « Avant, j’étais déjà très fort à l’oral… surtout quand je me taisais ! » ou bien « Mon point fort n’est pas l’oral, mais vous vous en apercevrez à peine car j’ai bien été coaché ! »

Les acronymes, ou comment jouer avec les lettres

Les acronymes sont une source infinie de jeux de mots. Et rien ne vous empêche de solliciter votre public pour qu’il participe et trouve lui-même des idées ! Bien sûr, comme il s’agit d’une présentation scientifique, cela aura plus d’effet de jouer avec l’acronyme ADN ou ESA (European Space Agency) qu’avec OVNI. Encore que…

Les OGM peuvent alors se transformer en Organismes Gravement Manipulés, ou en Observateurs Globalement Myopes, sauf peut-être si vous parlez à des ardents défenseurs des OGM. En effet, il n’existe aucune limite à votre imagination… si ce n’est celle du bon goût !

L’opening joke, ou comment débuter avec humour

Selon Anne Roumanoff, « l’humour, c’est de l’horlogerie ». Soyez vigilants à votre rythme et à votre timing. A quel moment insérer des notes d’humour dans un discours ? Il n’y a pas de règle : cela dépend du contexte. Mais quitte à faire une présentation humoristique, autant donner le ton dès le départ. L’opening joke est l’incontournable blague de début d’intervention des orateurs anglo-saxons. Force est de constater qu’elle peine à s’installer en France. Pourtant, elle crée d’emblée un lien entre le présentateur et son audience.

Pour autant, vous devez veiller à faire preuve d’humour face à un public disposé à le recevoir. Si vous apercevez des mines lugubres en face de vous, commencez par de l’humour léger et réservez vos blagues les plus explosives pour la suite.

Une bonne opening joke ne s’improvise pas. Pour citer l’auteur et scénariste Bernard Slade, « beaucoup de temps pour être bref, beaucoup de réflexion pour être spontané ». Vous pouvez notamment puiser votre inspiration dans l’actualité : récentes découvertes, prix internationaux, événements publics…

Un exemple ? Le discours de Pierre Février pour le concours Ma Thèse en 180 secondes : « Le week-end dernier, j’ai rencontré des amis de lycée et ils m’ont demandé ce que j’étais devenu, depuis le temps. J’ai répondu fièrement : « Je fais une thèse en physique quantique. » Ils ont tout de suite changé de sujet ! »

La règle des « 3 », ou comment faire plaisir à notre cerveau

Vous avez remarqué comme on aime associer les choses par trois ? Notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité », le moyen mnémotechnique pour les premiers secours « Protéger, Alerter, Secourir », la célèbre chanson bretonne « J’entends le loup, le renard et la belette »… Les exemples sont innombrables.

Si cette règle des « 3 » fonctionne pour les slogans ou les chansons, elle fonctionne aussi en humour. N’hésitez donc pas à en faire usage. Vous pouvez vous inspirer de cette citation de Fernand Raynaud : « Quand je vois ce que je vois et que j’entends ce que j’entends, je suis bien content de penser ce que je pense. » Vous pouvez aussi utiliser cette règle en appuyant trois caractéristiques particulières ou en racontant une histoire avec trois personnages, par exemple.

Faire de l’humour, c’est du sérieux

Allez, vous nous êtes sympathiques ! Pour clore cet article sur l’humour et la science, nous allons vous confier un « truc » supplémentaire : pour réussir à insérer avec justesse de l’humour dans vos communications, il faut de l’entraînement, de l’entraînement et de l’entraînement. Alors, au travail !

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2023-11-10T12:42:36+01:00

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