Communiquer
avec les médias

Pascal Le Guern, co-auteur de « Savoir communiquer avec la presse », aux éditions Maxima, est conférencier et journaliste. Il a notamment travaillé pour Europe 1, France Inter, RFI et France Info, où il a tenu des rubriques quotidiennes sur le monde de l’entreprise et la consommation. Dans cet article, il nous livre ses conseils pour bien communiquer avec les médias.

Communication avec les médias

Agent Majeur : Vous avez longtemps suivi l’actualité des entreprises innovantes. Dans ce cadre, quel était le profil des personnes que vous étiez amené à interviewer ?

Pascal Le Guern : C’étaient des chefs d’entreprise, plutôt des TPE, PME avec des produits ou parfois des services innovants, dans des secteurs d’activité très divers : beaucoup de nouvelles technologies, mais aussi l’agro-alimentaire, le textile…

Quelles difficultés rencontriez-vous en interview avec ces dirigeants d’entreprises innovantes ?

Souvent, évidemment, comme il s’agissait de petites structures, il n’y avait pas de service communication. Le patron endossait le rôle de directeur de la communication. En interview, ces dirigeants avaient le nez dans le guidon. Ils avaient du mal à prendre du recul par rapport à leur activité. Du coup, ils avaient tendance à être dans les sigles, dans le jargon. Combien de fois je me suis battu sur les mots. « Process » par exemple : ça ne veut rien dire.

En tant que journaliste, quels conseils leur donneriez-vous ?

Parfois, dans l’interview, au bout de 5 à 10 minutes, quand je ne comprenais rien, je leur disais : « Vous avez des enfants ? Oui ? OK, Papa, raconte-moi ton produit, raconte-moi ton métier. ».

Si moi, chef d’entreprise, j’arrive à expliquer mon produit à un enfant de 10-12 ans, forcément, Mme Michu qui a 80 ans, comprendra elle aussi. Et l’ingénieur comprendra aussi, le chauffeur de taxi aussi, bref, tout le monde comprendra. On peut se permettre d’être un peu plus dans le jargon si on s’adresse à une presse extrêmement spécialisée. Mais dès qu’on commence à s’exprimer devant un média grand public – et France Info est plutôt un média grand public – il faut être limpide.

Avez-vous une anecdote à partager avec nous ?

Sur le respect du timing, je donne toujours en exemple le directeur de la communication d’une grande entreprise. Après une journée où 400 personnes assistaient à des tables rondes – c’est moi qui animais la convention – il devait faire une intervention de 15 minutes.

Il était 18h. Il commence et ça dure 20 minutes, 25 minutes, 35, 45 minutes. Il y avait des gens qui devaient prendre l’avion, le train, récupérer leurs enfants à l’école. Et au bout de ¾ d’heure, il me regarde, j’étais au premier rang, et me dit « J’ai sans doute été un tout petit peu long. Est-ce que j’ai encore une petite minute ? ». Moi je me décompose. Et il nous en remet pour une demi-heure.

Catastrophe ! Ce non-respect du timing a plombé toute la journée. Moi, à France Info, j’ai deux minutes, tout compris, avec l’introduction et la conclusion. En interview pure, il y a 1 minute 20. C’est très court mais finalement, on a le temps de faire passer énormément de messages. Alors, 15 minutes, imaginez, c’est beaucoup !

Les entreprises peuvent être amenées à communiquer avec les médias dans des moments particuliers, comme une crise par exemple. Comment définiriez-vous la crise ?

C’est un évènement qui peut mettre en péril une grande entreprise aussi bien qu’une PME. La crise est inattendue, elle peut arriver n’importe où, n’importe quand. Par exemple : le suicide d’un collaborateur, un plan de licenciement, ou des crises majeures comme Tchernobyl ou AZF. La crise arrive très vite et demande une réponse immédiate.

On connaît bien la loi chère aux sapeurs-pompiers : « Une minute, un verre d’eau ; dix minutes, un camion ; une heure, c’est toute la caserne qui se déplace. » Plus on attend, plus la crise prend de l’ampleur car la rumeur va vite, surtout aujourd’hui avec Internet.

Quel est le risque de s’enfermer dans le silence ?

De toute façon, les choses se sauront. En tant que journaliste, si mon rédacteur en chef me demande de lui ramener une information, je vais le faire. Soit j’ai la position de la direction concernant la crise, soit je ne l’ai pas, mais dans tous les cas, je vais ramener quelque chose.

Dans une entreprise, si le président et l’ensemble de la direction décident de ne pas communiquer, il y aura bien un syndicaliste qui, lui, aura envie de communiquer. Si non, peut-être la standardiste a-t-elle entendu des choses ? Et si personne à l’intérieur de la société ne veut communiquer, peut-être une entreprise voisine le fera-t-elle ? Du coup, la vérité risque d’être transformée aux dépens de l’entreprise. Mais moi, en tant que journaliste, je rentrerai à ma rédaction avec de l’information, quelle qu’elle soit. Autant que la direction communique sa version des faits.

Comment communiquer en temps de crise ?

Il faut dire la vérité, mais pas forcément toute la vérité. Si on cache des choses, l’effet boomerang peut être dévastateur. D’autant que, à un moment donné, la vérité jaillira. Il faut dire ce que l’on sait, au moment où on le sait, pas tout dire, mais essayer d’en cacher le moins possible.

Qu’est-ce qu’une cellule de crise ?

Ce sont des personnes disponibles en cas de crise, qui peuvent se réunir dans un lieu équipé en radio, télé, ordinateur, imprimante, téléphone. Il faut que ces personnes soient au même niveau d’information et qu’elles puissent prendre rapidement des décisions.

Notamment, il faut qu’elles soient en mesure de sortir un communiqué de presse sans passer par une dizaine de validations internes. Il ne faut pas non plus oublier de communiquer au sein de l’entreprise. Il est également nécessaire que toutes les personnes concernées soient au courant de la crise et sachent comment réagir. Le réflexe type du journaliste est d’appeler une société et de tomber sur le standard. Si la standardiste n’a pas été intégrée au dispositif, elle peut dire des choses inappropriées, ne pas passer les bons interlocuteurs. Il faut que tout le monde soit mis dans la boucle, pas forcément avec le même degré d’information, pour éviter les impairs.

Une bonne communication avec les médias demande de l’anticipation. Créer des liens avec les journalistes, anticiper les crises, être attentif au contenu de son discours : tout ceci est nécessaire pour tirer le meilleur parti de la caisse de résonnance que constitue la presse.

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2023-10-20T11:03:33+02:00

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